Mobilité
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Mobilité bas carbone : le pari du téléphérique urbain

Peu polluant et permettant de franchir de nombreux obstacles, le téléphérique séduit de nombreuses villes désireuses d’explorer de nouvelles formes de mobilités urbaines durables. En France, les projets se multiplient.

Mobilité bas carbone : le pari du téléphérique urbain

Et si l’avenir de la mobilité urbaine se jouait aussi dans les airs ? Nul gadget ailé futuriste à l’horizon, c’est un objet volant bien identifié des habitués de la montagne qui pourrait rapprocher les citadins du ciel : le transport par câble aérien. C’est derrière cette appellation que se cachent les termes plus connus du grand public que sont les télécabines et les téléphériques. À partir des années 1930, le déploiement du transport par câble aérien s’est effectivement fait en parallèle du développement des sports d’hiver dans les stations de montagne. La France, forte d’un large domaine skiable réparti sur six massifs montagneux  est particulièrement bien dotée en la matière. En 2022, le Cerema (Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement) notait que près de 17 % des 19 000 installations existantes alors répertoriées dans le monde étaient françaises.

Mais l’avenir de ces installations pourrait bien se jouer loin des sommets. Le transport par câble urbain présente en effet de nombreux atouts non négligeables pour faire son nid en milieu urbain. Premièrement, il peut participer au nécessaire décongestionnement des grandes villes, qui souffrent des nuisances générées par le trafic automobile, au premier rang desquels la pollution. Il apparaît aussi comme une réponse pertinente à la fin du modèle du tout-voiture qui a longtemps structuré le développement des métropoles. Dans la lutte contre le changement climatique, les câbles urbains peuvent aussi participer à l’échelle d’une ville au déploiement de solutions de mobilité faiblement carbonées. Enfin, ils présentent l’avantage décisif de pouvoir permettre le franchissement d’obstacles, comme un fleuve, une colline ou des voies ferrées.

Brest, ville précurseuse

Parmi les milliers d’installations de transport par câble aérien actuellement en service dans le monde, seule une petite poignée concerne des télécabines et téléphériques déployés en milieu urbain. Si la plupart sont relativement récentes, notamment en Amérique du Sud, quelques villes ont été pionnières. Dès 1976, New York se dotait ainsi du Roosevelt Island Tramway, un téléphérique reliant Manhattan à Roosevelt Island. En France, Grenoble est équipée d’un téléphérique depuis 1934 et Toulon depuis 1958. Mais, dans les deux cas, il s’agit d’infrastructures touristiques déployées sur des collines et qui ne servent pas au transport quotidien d’usagers.

Il a donc fallu attendre 2016 pour assister à la mise en service du premier véritable téléphérique urbain de France. Et c’est Brest qui a été la première à franchir le rubicon avec son téléphérique intégré au réseau de transport urbain Bibus. Long de 420m, l’ouvrage traverse la Penfeld, le fleuve côtier qui sépare le quartier de Siam du nouvel écoquartier des Capucins. À l’époque, la municipalité avait justifié ce choix par la volonté d’ouvrir le cœur de ville et de désenclaver la rive droite de la cité du Ponant tout en ayant recours à un moyen de transport peu polluant.

À Toulouse, le plus long téléphérique urbain de France

Saint-Denis de La Réunion et Toulouse ont rapidement emboîté le pas à la cité bretonne. Surnommé Papang, du nom d’un rapace endémique à l’île de La Réunion (le busard de Maillard, aussi appelé Papangue), le téléphérique de Saint-Denis est entré en service en mars 2022. Longue de 2,7 km, la ligne, intégrée au réseau local Citalis, compte cinq stations et dessert notamment l’hôtel de région, un campus de l’Université de La Réunion ainsi que trois lycées et deux collèges. Selon Réunion La 1ère, en septembre 2023, après dix-huit mois d’exploitation, le téléphérique avait déjà transporté 2 millions de passagers. Un succès qui pourrait faire des émules : les projets de deux nouveaux téléphériques sont à l’étude à Saint-Denis.

Dans la foulée de la mise en service du Papang à Saint-Denis, Toulouse a inauguré son téléphérique en mai 2022. Avec ses 3 kilomètres de tracé, le Téléo est le plus long du genre  de France. Intégré au réseau de transport local Tisséo, l’ouvrage de la ville rose franchit notamment la colline de Pech David et la Garonne. Équipé pour le transport de vélos, le Téléo dessert notamment un pôle de recherche sur le cancer,  l’Université Paul Sabatier et l’Hôpital de Rangueil. En juillet 2023, le quotidien Sud Ouest rapportait que le téléphérique urbain toulousain cumulait 1,6 million de trajets depuis mai 2022.

Créteil, Ajaccio, Grenoble… de nombreux projets en cours

La mise en service de ces téléportés semble devoir être le début d’un mouvement qui commence seulement à se mettre en place. Ainsi, plusieurs projets sont en cours en France. Le plus emblématique est certainement celui porté par Ile-de-France Mobilités à travers le câble C1 qui reliera Créteil à Villeneuve-Saint-Georges en moins de vingt minutes. L’entrée en service de ce premier téléphérique urbain de la région parisienne est prévue pour 2025. En Corse, les travaux du futur téléporté d’Ajaccio ont débuté en janvier dernier, avec une mise en service là aussi espérée en 2025. Déjà dénommé Angelo, le téléporté « va permettre de désenclaver certains quartiers, de relier la ville nouvelle à la ville historique et de faciliter l’accès l’hyper-centre-ville d’Ajaccio » estime la Capa (communauté d’agglomération du Pays ajaccien), en charge du projet. Le projet Corse devrait précéder le Métrocâble, projet de téléphérique de 3,5km de long prévu au-dessus de la presqu’île de Grenoble et dont l’entrée en service est espérée à partir de 2026.

Outre ces projets concrets, d’autres sont à l’étude. C’est notamment le cas à Bordeaux, Nice, Vitrolles ou encore Avignon. Tous pourraient cependant ne pas voir le jour. En effet, ces dernières années, plusieurs projets ont été annulés, à l’instar du téléphérique qui devait relier Lyon à Francheville. Ces projets avortés l’ont souvent été en raison de fortes oppositions locales, notamment d’habitants qui craignent le survol de leur maison ou la pollution visuelle générée par les pylônes. Leur franchissement par les cabines pouvant représenter une source de nuisances sonores non négligeable.

Sur les pas du retour en grâce du tram ?

Mais malgré de possibles barrières et freins à son développement, le transport par câble urbain conserve de nombreux atouts pour se faire une place au soleil dans les grandes villes au cours des décennies à venir. L’argument écologique, notamment dans un contexte d’adaptation des villes au changement climatique, devrait peser en sa faveur. À Toulouse, le téléphérique a par exemple évité le percement d’un tunnel. Reste à voir si le téléphérique connaîtra le même engouement que celui qui a suivi le retour en grâce du tramway à partir de la fin des années 1990. Tombé en désuétude à l’ère du tout-voiture, le tramway a depuis rapidement retrouvé une place centrale dans de nombreuses métropoles françaises.

crédit photo : iStock

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