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Voiture autonome : le risque du contresens
Le secteur des voitures autonomes est en pleine structuration. La technologie encore en développement évolue rapidement, mais il reste beaucoup de progrès à faire pour rendre cet avenir possible, rentable et surtout… souhaitable.
En apparence, le secteur des voitures autonomes se développe à toute vitesse. Subsiste pourtant un défi de taille : le passage au niveau 3.
Cette échelle définie par l’organisme international Society of automotive engineers (SAE), désigne les différents niveaux d’autonomie d’un véhicule. Au niveau 2, il y a une automatisation partielle. La voiture pourra gérer seule sa vitesse, sera capable de se garer, et même de freiner en cas de besoin urgent. En revanche, le conducteur ne pourra pas se permettre de complètement lâcher le volant.
A partir du niveau 3, vous ne conduisez pas votre voiture ! En tout cas lorsque certaines conditions sont réunies, par exemple dans un endroit très sécurisé, ou quasiment à l’arrêt dans un embouteillage.
Des accidents et des milliards perdus
Certains constructeurs s’attaquent au niveau 3, comme Honda au Japon, ou Mercedes en Allemagne et dans certains États américains. Waymo, une filiale de Google, s’est même propulsée comme leader du domaine avec des taxis impressionnants sans personne derrière le volant. Présents à San Francisco, Phoenix et Los Angeles, ces véhicules n’ont pas encore atteint leur vitesse de croisière, du moins financièrement, car ils auraient entraîné deux milliards de dollars de perte, rien que sur le premier semestre 2024. En face, le modèle du concurrent Cruise, filiale de General Motors, a provoqué un accident avec une piétonne, ce qui a mis en lumière les nombreuses incertitudes autour de la fiabilité de ces véhicules.
Et quid de Tesla, le leader du marché ? La firme américaine a préféré éviter toute course effrénée vers une autonomie complète. Au lieu de ça, la stratégie de Tesla est de permettre au plus grand nombre d’avoir un véhicule de niveau 2. Déjà disponibles au Canada et aux États-Unis, les modèles en FSD(Full self-driving supervised, ce qui signifie « conduite entièrement autonome supervisée ») pourraient débarquer en Europe d’ici 2025 si la Commission européenne y est favorable. Si les véhicules de Tesla ne sont pas complètement autonomes, elles se vendent suffisamment pour faire du bénéfice, ce qui n’est pas le cas des concurrents.
Cela dit, au milieu de cette bataille, une question se pose : faut-il vraiment aller vers plus d’autonomie ? Côté sécurité, les chiffres sont à prendre avec des pincettes car les voitures autonomes ne sont pas encore assez déployées pour permettre des comparaisons pertinentes. Waymo assure que l’utilisation de ses taxis réduirait de 57% le nombre d’accrochages.
Le lourd bilan carbone de l’autonomie
Une équipe internationale composée en partie de chercheurs français a également mis au point un algorithme intéressant pour ces véhicules. Dans les embouteillages, la conduite est plus fluide et moins saccadée, ce qui diminue les émissions de CO2. Cela serait-il possible à plus grande échelle, sur des itinéraires plus complexes et avec plus de voitures ? Aucune certitude pour l’instant faute de données.
Mais même si c’est le cas, ce pourrait bien être l’une des rares promesses écologiques des voitures autonomes. Une étude publiée fin 2022 par le Massachussets Institute of Technology (MIT) montre à quel point ces véhicules sont extrêmement polluants. Plus encore que des voitures thermiques traditionnelles !
En cause, la quantité de composants électroniques et les données qu’ils génèrent. Radars, caméras, capteurs… Le tout demande une puissance de calcul telle que les émissions carbones d’un milliard de voitures en circulation seraient équivalentes à celles de la totalité des datacenters de la planète. Avec des variantes selon les territoires : dans un pays comme la France où le nucléaire joue un grand rôle dans la production d’électricité, le bilan est moindre qu’en Australie, par exemple, où ce sont les énergies fossiles qui sont privilégiées.
Mais même avec une production d’énergie décarbonée, il y a un piège ! En se généralisant, les voitures autonomes auraient pour effet d’augmenter l’usage de la voiture par les utilisateurs, moins enclins à prendre les transports en communs car ils pourraient à la fois être seuls dans le confort de leur véhicule, et disponibles pour réaliser d’autres tâches.
Pilier de la décarbonation des mobilités en Europe, les voitures électriques non-autonomes évitent ces écueils car elles ne demandent pas de calcul informatique et sont moins susceptibles de détourner des transports en commun.
crédit photo : Timo Wielink