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L’avion électrique : rêve ou future réalité ?

La perspective de voler demain en avion électrique est-elle crédible ? Si les progrès techniques, boostés par des impératifs de décarbonation sont indéniables, le défi demeure considérable. Le cas des vols long-courriers en particulier doit encore faire l’objet d’importantes recherches.

L’avion électrique : rêve ou future réalité ?

Voler avec un avion électrique. Un rêve que l’on croyait déjà presque atteint en 2007. A bord de son « Electra », Christian Vandamme bouclait alors un trajet d’une cinquantaine de kilomètres dans les Hautes-Alpes, une première. Cette prouesse avait déclenché un certain enthousiasme autour des avions électriques… Mais les progrès ont été, depuis, assez mesurés.

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La flotte d'appareils pourrait quasiment doubler d'ici à 2042.

Pourtant, le besoin se fait pressant. Le secteur des transports a un rôle extrêmement important à jouer en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre. C’est en particulier le cas de l’avion, responsable de 2,5% des émissions de CO2 au niveau mondial alors qu’il ne concerne qu’une fraction très faible de la population. En effet, 80% de la population mondiale n’a jamais pris l’avion. À l’inverse, 1% des habitants de la planète sont responsables de la moitié des émissions de tout le secteur aérien. En d’autres termes, la petite portion de population qui a accès à l’avion a un impact carbone bien plus lourd, en particulier ceux qui utilisent fréquemment ce moyen de transport.

Après un coup d’arrêt momentané durant la crise du Covid-19, le trafic aérien enregistre aujourd’hui de nouveaux records. Par ailleurs, le développement de la classe moyenne en Chine et en Inde fait que de plus en plus de gens prennent l’avion. En conséquence, le nombre d’appareils en vol devrait bondir au cours des prochaines années pour passer d’environ 25 000 à plus de 48 500 en 2042.

Face à ce développement, il est donc impératif de travailler à contenir le plus possible l’impact carbone du secteur. D’autant que l’avion a d’autres effets négatifs comme le forçage radiatif, un effet réchauffant dû au passage des avions en haute altitude qui favorise la hausse des températures, mais n’est pas comptabilisé dans les études sur les émissions seules.

Des premiers essais prometteurs… Sur de courtes distances

À première vue,  remplacer le kérosène par de l’électricité pour décarboner l’aviation semble être une bonne piste… Mais tout n’est pas si simple. La technologie se développe sérieusement depuis une quinzaine d’années, avec de nombreux prototypes… et de nombreux abandons. En France, Airbus s’y est essayé avec le E-Fan avant de jeter l’éponge sur ce projet. Plus récemment, la NASA a mis un terme à son programme de démonstrateur d’avion « tout électrique » baptisé X-57 Maxwell. En revanche, Solar Impulse a pu boucler avec succès son tour du monde en avion solaire entre 2015 et 2016.

En 2020, une nouvelle étape a été franchie avec le Pipistrel Velis Electro. Ce premier avion biplace s’est vu être certifié par l’agence de l’Union Européenne pour la sécurité aérienne. Puis en 2022 c’était au tour d’Alice, un avion pouvant transporter jusqu’à 9 personnes sur plus de 800 km d’obtenir un premier vol d’essai. La start-up néerlandaise Elysian prévoit la même distance, mais pour 90 passagers, d’ici 2030.

Et si tout cela semble loin du Paris-New York 100% électrique, c’est pour une raison très simple : les batteries. Il n’existe actuellement pas de technologie capable d’assurer une autonomie plus grande à un avion en vol.  Pour stocker de l’énergie, tous ces avions utilisent des modèles de batteries similaires à celles que l’on trouve dans les voitures électriques.

Les batteries de plus en plus puissantes

Une batterie comme celle d’une Tesla modèle S, qui figure parmi les plus performantes, pèse 600 kg, et peut fournir 100 kwh d’énergie. Il serait possible d’obtenir des batteries plus puissantes, mais ce serait beaucoup plus lourd, et il faudrait donc encore plus d’énergie pour bouger le véhicule. D’où l’intérêt d’augmenter la densité énergétique de ces batteries, c’est-à-dire la quantité d’énergie qu’elles peuvent emmagasiner pour un même poids. Pour les batteries lithium-ion, les plus utilisées, la densité est d’environ 0,2 kwh par kg.

Il est possible d’augmenter ce chiffre, comme avec l’avion Alice qui atteint 0,375 kwh par kg. Un progrès significatif mais qui n’est pas suffisant pour faire voler un avion transportant de nombreux passagers sur de longues distances.

En Chine, le constructeur CATL promet une batterie qui atteint 0,5 kwh par kg. Un record qui serait dû à des matériaux innovants et à des méthodes de fabrication inédites dont les détails n’ont pas été dévoilés. L’entreprise promet même la possibilité de mettre en place une production de masse dès l’année prochaine.

Toutes ces promesses laissent espérer une décarbonation massive du secteur aérien dans un avenir proche, mais il est encore difficile de dire s’il sera possible de construire un grand nombre d’avions électriques… Ou comment cela se répercutera sur les prix des billets.

Utilisé sous forme liquide, l’hydrogène vert représente un autre levier possible de décarbonation pour le secteur. Airbus travaille d’ailleurs activement à développer un premier avion à hydrogène promis pour 2035. Mais en l’état, l’hypothèse est jugée très optimiste en raison de défis techniques et industriels colossaux à surmonter.

Les biocarburants, aussi appelés SAF (pour « sustainable aviation fuel »), sont une autre piste possible de décarbonation. Il s’agit de carburants obtenus à partir de déchets agricoles, alimentaires ou sylvicoles.

D’ici à 2030, la réglementation européenne prévoit d’ailleurs d’imposer 6% de carburant durable. Ces dernières années, Airbus a notamment communiqué sur un A380 propulsé à l’huile de friture. Mais là encore, le passage à l’échelle s’annonce délicat. Les associations environnementales redoutent notamment l’impact de besoins croissants en biocarburant sur les forêts et la production agricole.

L’inévitable question de la maîtrise de la demande

Ce qui mène à une autre solution, plus directe, mise en lumière dans une étude de 2023 parue dans la revue Nature Communications. Des chercheurs suisses évoquent plusieurs pistes pour rendre le secteur de l’aviation plus vertueux. Même s’ils reconnaissent les bienfaits d’une possible électrification, ils recommandent une autre chose : il faut moins prendre l’avion. Si le trafic aérien continue de croître comme c’est le cas actuellement, la neutralité carbone n’est pas envisageable. Au lieu de ça, ils préconisent une réduction de 0,8% du trafic chaque année jusqu’à 2050, voire seulement 0,4% si la flotte d’avions passe à l’électrique.

Des préconisations que reprend aussi le Haut Conseil pour le Climat (HCC) dans son rapport de 2022. Le HCC estime ainsi que la décarbonation via les carburants alternatifs n’est pas suffisante, et affirme : « Le secteur aérien doit engager sa décarbonation par la maîtrise de la demande ». Ce qui signifierait une baisse drastique du trafic aérien, bien plus importante que l’interdiction des vols dont le trajet peut être effectué en train en moins de 2h30. Cette première avancée jugée trop timide avait été actée dans l’article 145 de la loi Climat et Résilience.

En résumé, la décarbonation du secteur aérien s’annonce délicate, en particulier pour les vols de longue distance. Des équipes de recherche et développement travaillent activement à trouver des solutions qui permettront de limiter l’impact carbone de l’avion. Parmi celles-ci, l’électrique est une piste sérieuse. Toutefois, la révolution verte du secteur ne semble pas encore être pour demain. Compte tenu de la hausse de la demande, la question de la régulation de celle-ci pourrait devoir inexorablement se poser.

Crédit photo : Unsplash

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