- Transition énergétique
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Les couleurs de l’hydrogène
Vert, gris, noir, bleu… Gaz incolore et inodore, l’hydrogène se voit régulièrement associé à tout un ensemble de couleurs. Derrière, se cachent des distinctions fondamentales sur les méthodes utilisées pour le produire.
En 2023, le gouvernement français décrivait l’hydrogène comme « une des plus emblématiques des technologies de rupture qui permettront la décarbonation de notre économie » et une « clé de voûte de la décarbonation de l’industrie ». C’est dire si les espoirs sont grands concernant le rôle que cette molécule sera amenée à jouer dans la transition écologique. Mais de quoi parle-t-on précisément quand on évoque l’hydrogène ? Dans la plupart des cas, c’est en fait de dihydrogène (H2) dont il est question, une molécule rare à l’état naturel. Pour obtenir de l’hydrogène, il faut le séparer des atomes auxquels il est associé. À l’instar de l’électricité, ce n’est donc pas une énergie mais un vecteur énergétique. Avant de pouvoir être utilisé, il doit être produit, puis stocké. Ce n’est qu’après avoir été stocké (et transporté si nécessaire) qu’il peut être utilisé comme énergie via une pile à combustible ou par combustion directe. Loin d’être une découverte récente, l’hydrogène est déjà massivement utilisé dans nos sociétés, principalement pour des usages industriels. Dans l’écrasante majorité des cas, il est produit à partir d’énergies fossiles, ce qui génère d’importantes émissions de CO2 (environ 830 millions de tonnes par an). L’hydrogène est pourtant aujourd’hui envisagé comme un substitut possible aux combustibles fossiles dans tout un tas d’usages : industrie, transports, stockage de l’électricité produite par les énergies renouvelables intermittentes (solaire, éolien), etc.
Dans l’immédiat, l’enjeu n’est pas tant de produire de l’hydrogène à grande échelle – c’est déjà le cas – que de parvenir à ce que cette production soit décarbonée. L’usage d’un code couleur s’est ainsi imposé de manière informelle pour distinguer les différentes méthodes de production de l’hydrogène, qui est, lui, invariablement incolore. Comme le note le Commissariat général au développement durable (CGDD), chaque méthode est « associée à une couleur selon son impact environnemental ».
Un monde dominé par l’hydrogène gris
La première grande famille désigne l’hydrogène produit directement à partir de ressources fossiles. La forme la plus commune de production d’hydrogène dans le monde est aujourd’hui l’hydrogène gris. Il s’agit de l’hydrogène produit à partir de gaz naturel grâce au procédé dit de vaporeformage. Une méthode qui génère d’importantes émissions de CO2 (11kg de CO2 émis pour 1kg d’hydrogène produit selon l’Agence de la Transition écologique). C’est en étant exposé à de la vapeur d’eau très chaude que le gaz naturel libère le dihydrogène qu’il contient, explique le Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA). En 2018, selon les chiffres de l’AIE, 71% de l’hydrogène dans le monde était produit à partir de gaz naturel. Encore plus émetteur de CO2 que la production d’hydrogène gris, l’hydrogène noir est obtenu via un procédé de gazéification du charbon. Sa production est aujourd’hui essentiellement concentrée en Chine, pays qui dispose de grandes quantités de charbon et de peu de gaz naturel. Lorsque le charbon est remplacé par du lignite, on parle d’hydrogène brun. Également produit à partir de ressources fossiles, l’hydrogène bleu est une variante de l’hydrogène gris à la différence que les émissions de CO2 générées lors du procédé de vaporeformage sont partiellement captées et stockées. La production d’hydrogène bleu est plus faiblement carbonée que la production d’hydrogène gris. Toutefois, l’Ademe note que « l’hydrogène produit par des vaporeformeurs de méthane avec captage en précombustion (captage partiel d’environ 60% des émissions) est loin d’être compatible avec l’appellation ‘bas carbone’ ».
Les promesses de l’hydrogène bas-carbone
L’autre grande famille d’hydrogène désigne le dihydrogène obtenu à partir du procédé d’électrolyse de l’eau. Grâce à cette technique, les molécules contenues dans l’eau sont séparées à l’aide d’électricité. Si l’électricité utilisée est elle-même de faible intensité carbone, on parle d’hydrogène bas-carbone. C’est cet hydrogène-là qui constitue une piste sérieuse pour la transition énergétique. L’appellation bas-carbone peut regrouper l’hydrogène vert (produit avec de l’électricité renouvelable) et l’hydrogène produit avec de l’électricité nucléaire. En Europe, l’usage fait que ce dernier n’est pas assimilé à l’appellation d’hydrogène vert. Pour le qualifier, le CGDD parle d’hydrogène jaune. Mais il peut aussi être appelé hydrogène rose ou hydrogène violet. À cette palette chargée de couleurs s’ajoute l’hydrogène turquoise. Celui-ci est obtenu via la procédé de pyrolyse du méthane, aussi appelé « craquage du méthane ». L’hydrogène turquoise est considéré comme particulièrement prometteur. Peu intense en carbone, sa production consomme moins d’électricité que l’hydrogène vert. Il existe enfin une dernière couleur associée à l’hydrogène. Il s’agit de l’hydrogène blanc. Aussi appelé hydrogène naturel, l’hydrogène blanc désigne l’hydrogène qui se trouve dans les sous-sols de la Terre. Selon Emmanuel Macron, la France, dont le sous-sol est pauvre en hydrocarbures, pourrait en revanche être “l’un des pays qui a le plus de réserves d’hydrogène naturel”. Des “financements massifs pour explorer le potentiel d’hydrogène naturel” ont été promis. L’hydrogène blanc a notamment l’avantage décisif d’être extrêmement peu coûteux. Son extraction coûterait 2 à 3 fois moins cher que celle nécessaire à la production d’hydrogène gris, lui-même déjà plus compétitif que l’hydrogène vert.