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Vol des câbles en cuivre dans l’industrie : tout un secteur concerné
Partout dans le monde, le cuivre contenu dans les câbles électriques fait l’objet d’un trafic qui ne cesse de prendre de l’ampleur. La France n’est pas épargnée par ce phénomène, avec un nombre croissant d’entreprises industrielles qui subissent des vols et des dégradations. Explications.
Depuis le début des années 2000, le cours du cuivre ont littéralement flambé. Après avoir atteint 5 700 dollars en 2020, le prix de la tonne flirte désormais avec les 10 000 dollars sur le London Metal Exchange (LME), la principale place boursière spécialisée dans les contrats à terme portant sur les métaux non ferreux. Il y a 20 ans, elle se situait aux alentours de 1 700 dollars.
La transition énergétique et la montée en puissance de l’intelligence artificielle ont fait exploser la demande pour ce métal à l’exceptionnelle conductivité thermique et électrique. Pratiquement tous les secteurs sont concernés, à commencer par ceux de la construction, des transports, des télécommunications et de l’énergie. De quoi démultiplier sa valeur marchande et le transformer en véritable « or rouge ». Ce qui n’a pas manqué de susciter la convoitise d’individus et de groupes peu scrupuleux. Le pillage du cuivre est ainsi devenu un trafic particulièrement lucratif qui profite à de nombreux délinquants.
Organisés en équipes, ils procèdent en sectionnant les câbles sur des dizaines, voire des centaines de mètres, pour les découper ensuite en tronçons. Ils brûlent alors la gaine de plastique qui l’entoure pour en extraire le cuivre. Comme ce métal peut très facilement être recyclé, il est ensuite revendu dans des réseaux de ferrailleurs ou des filières de réemploi, la plupart du temps à l’étranger.
En France, 7 500 vols ont été recensés en 2023, soit environ 20 par jour.
Ce braconnage généralisé affecte très durement le secteur de l’industrie, qui a besoin de grandes quantités de cuivre pour faire fonctionner les réseaux électriques, les systèmes de transports, les chaînes de production et les circuits de distribution.
Des dommages considérables
Fin 2023, le géant Allemand Aurubis, premier producteur européen de cuivre, annonçait avoir perdu 185 millions d’euros suite à un vol massif de métaux. La même année, la société Filmétal, basée à Bussy Saint Georges, constatait la disparition de 19 tonnes d’or rouge, pour un butin estimé à 200 000 euros. En septembre 2024, Orange faisait état de 1 200 kilomètres de câbles dérobés durant les 6 premiers mois de l’année, ce qui représente un coût de plusieurs millions d’euros. Pour ne rien arranger, la dégradation des équipements et des infrastructures, qui doivent systématiquement être remplacés, alourdit un peu plus la facture.
Outre les pertes financières, et la baisse de chiffre d’affaires qui en découle, les vols de cuivre entraînent des pannes de service, ce qui porte atteinte à l’image de marque et à la réputation des entreprises. Pour la seule année 2022, la SNCF déplore plus de 40 000 trajets en train perturbés à cause de ces dégradations, et des centaines de milliers de voyageurs mécontents. De son côté, EDF comptabilise des milliers de coupures d’électricité dans toutes les régions. Scénario similaire chez Orange où, partout en France, des milliers de clients se plaignent, presque quotidiennement, des coupures d’internet provoquées par les dégradations sur les câbles, à tel point que l’opérateur a décidé d’investir massivement pour résoudre le problème, à hauteur de plusieurs milliards d’euros par an. Car face à l’ampleur des pillages, les entreprises commencent à riposter.
Solutions antivols
A défaut de pouvoir surveiller des milliers de kilomètres de câbles en temps réel, elles peuvent actionner différents leviers pour empêcher les vols.
Le premier est technologique. En 2021, la multinationale française Nexans, spécialisée dans les transmissions par câble, a lancé VigiShield, un outil de géolocalisation, de détection de mouvement et d’alerte en temps réel qui assure la protection des câbles ou qu’ils se trouvent dans le monde pendant tout leur cycle de vie, depuis leur fabrication et leur transport jusqu’à leur exploitation sur site, et ce 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7. Les câbles sont surveillés en permanence et une alarme se déclenche dès qu’une activité suspecte est détectée. C’est le moyen que la SNCF a choisi pour sécuriser ses installations.
Autre solution innovante, l’entreprise Bernatom a mis au point une résine moussante qui, une fois injectée dans les fourreaux, scelle le cuivre dans les câbles, le rendant impossible à extraire. Il est, de la même manière, possible de sceller les câbles sur le support auxquels ils sont accrochés pour éviter qu’ils ne soient arrachés.
Le second levier est juridique. Orange a pris le plis de porter plainte de façon systématique pour chaque vol commis sur son réseau, même lorsque la quantité de cuivre dérobée n’est pas importante. Par ailleurs, un travail de sensibilisation des forces de l’ordre a été engagé afin que policiers et gendarmes puissent intervenir plus rapidement et plus efficacement. En complément, l’opérateur a signé avec 79 préfectures des conventions de prévention contre les actes de pillage des câbles.
En France, les voleurs d’or rouge risquent actuellement des peines pouvant aller jusqu’à trois ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende. Une autre solution serait de durcir les sanctions pour ce type de délit afin de prévenir leur multiplication. C’est notamment ce que préconise la Fédération Française des Télécoms.
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