Transition énergétique
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Pourquoi 19 °C ?

Alors que la température extérieure baisse rapidement à mesure que l’hiver s’installe, une large partie des Français a déjà rallumé le chauffage. En France, la recommandation officielle préconise de se chauffer à 19°C. Mais d’où vient-elle ?

Pourquoi 19 °C ?

« La chose la plus efficace, c’est de baisser un peu la clim’ quand il fait chaud, et d’essayer de se caler sur une référence de chauffage, dès qu’il commence à faire froid, autour de 19 °C. » Très officielle, cette recommandation faite à la population française émanait directement d’Emmanuel Macron, en septembre 2022, à l’occasion d’une adresse aux Français consécutive à la crise énergétique déclenchée par l’invasion russe en Ukraine. Un mois plus tard, un plan de sobriété gouvernemental entérinait la recommandation, rappelant que « la réglementation prévoit que dans les locaux à usage d’habitation, d’enseignement, de bureaux ou recevant du public, lorsqu’ils sont occupés, le chauffage doit être fixé à 19 °C et la climatisation à 26 °C ». Ainsi les Français se familiarisaient-ils avec les fameux 19 °C. Une règle oubliée et pourtant effectivement inscrite dans le code de l’énergie depuis 1978. « C’est un héritage des chocs pétroliers qui date du moment où on a demandé aux Français un effort de sobriété pour économiser du fioul », explique Patrick Jolivet. Et de préciser que les 19 °C sont « une moyenne de la température du logement », à moduler selon les pièces et les moments d’occupation dans la journée. Par conséquent, « ce n’est pas partout, tout le temps ». Pour M. Jolivet, le retour sur le devant de la scène de la règle des 19 °C est symptomatique : « Ça a rappelé à tout le monde que l’énergie peut être chère et à quel point nous avons intérêt individuellement et collectivement à réduire nos consommations énergétiques. »

1 °C de chauffage en moins = 7 % d’économie d’énergie

Et pour cause. Selon l’ADEME, 1 °C de chauffage en moins correspond à 7 % d’économie d’énergie. De quoi limiter les risques de tension sur le réseau électrique et… soulager les factures. En moyenne, le chauffage représente plus de la moitié des consommations énergétiques d’un logement, voire jusqu’à 66 % pour le chauffage électrique dans un logement tout électrique. D’après l’ADEME, une maison présente une consommation moyenne de chauffage électrique de 4 312 kWh par an. Parmi ses préconisations, l’agence recommande notamment de fermer les volets la nuit pour limiter les déperditions thermiques, d’aérer son logement pour rendre l’air plus sec et plus facile à chauffer, ou encore, pour ceux qui le peuvent, d’installer des panneaux solaires en autoconsommation. En dehors du chauffage, les gestes les plus efficaces pour économiser de l’énergie dans un logement consistent par exemple à maîtriser sa consommation d’eau chaude et à optimiser le fonctionnement des appareils ménagers les plus énergivores. « Il ne faut pas sous-estimer l’enjeu des changements de pratique individuels, mais l’enjeu principal réside bien dans notre organisation collective. Avant d’être une injonction pour les individus, la sobriété doit être un objectif pour les entreprises et les pouvoirs publics », remarque M. Jolivet. Il met également en garde contre « la sobriété subie », qui désigne le fait de réduire ses consommations en raison d’un pouvoir d’achat contraint. De fait, si une partie plus aisée de la population a pu volontairement réduire sa consommation de chauffage, de nombreux ménages n’ont pas les moyens d’y recourir. Selon la Fondation Abbé Pierre, 12 millions de personnes sont en situation de précarité énergétique en France. En novembre 2023, 25 % des Français déclaraient ainsi souffrir du froid chez eux, contre 18 % avant la dernière crise énergétique. « Auprès de ces ménages, et de manière compréhensible, le message de la sobriété apparaît donc comme décalé. L’enjeu de permettre à chacun de se chauffer et de vivre dignement ne doit pas être oublié », conclut Patrick Jolivet.

Encadré : Les Français et la sobriété

Si le sujet de la sobriété s’est aussi spectaculairement imposé en France dans le sillage de la crise énergétique déclenchée par l’invasion russe en Ukraine, c’est en partie grâce à la mobilisation d’acteurs comme l’ADEME. L’Agence de la transition écologique s’est largement emparée du sujet, jusqu’à proposer à l’automne 2023 une campagne publicitaire axée autour de la déconsommation. Au printemps 2024, l’ADEME a également lancé un baromètre annuel destiné à sonder le rapport des Français à la sobriété.

Réalisé en partenariat avec l’ObSoCo, celui-ci révèle que 41 % des Français ont une vision positive de la sobriété contre seulement 15 % qui en ont une vision négative. « Le constat global est valable dans toutes les catégories de population, mais il y a des nuances. On voit que la notion de sobriété est perçue plus positivement chez les urbains et les personnes qui sont plus aisées financièrement », explique Patrick Jolivet. Par exemple, 52 % des Parisiens ont une perception positive de la sobriété, contre 34 % des habitants des zones rurales. M. Jolivet relève cependant que, dans l’ensemble, « les Français se montrent très favorables à des grands principes d’organisation collective vers plus de sobriété dans nos modes de production et nos modes de vie ».

 

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