Mobilité Territoires
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Les collectivités : l’angle mort de la mobilité ?

En France, les transports demeurent le premier poste d’émissions de CO₂ (39 %), selon l’Ademe. Or la question cruciale des mobilités revient en grande partie aux collectivités territoriales, dont les moyens sont souvent restreints. Sont-elles suffisamment accompagnées pour faire face à cette transition ? Décryptage, à la lumière de la dernière étude de Rexel, menée en partenariat avec BVA.

Les collectivités : l’angle mort de la mobilité ?

Bien que 89 % des collectivités considèrent la transition écologique comme un enjeu majeur, la mobilité électrique est une priorité pour seulement 44 % d’entre elles, loin derrière la maîtrise des consommations d’énergie (97 %) et la rénovation énergétique des bâtiments (91 %), selon une étude de Rexel menée en partenariat avec BVA. Un constat qui interroge, car depuis la loi d’orientation des mobilités de 2019, les compétences des collectivités en la matière ont été fortement renforcées. 

Pourtant, la demande des habitants est forte : 60 % des Français déclarent être prêts à réduire l’usage de leur voiture, et 65 % sont favorables aux transports en commun, selon l’association des maires ruraux de France (AMRF). Mais seulement 27 % des collectivités ont mis en place une flotte de véhicules électriques à destination de ses fonctionnaires, et moins de la moitié (43 %) ont des politiques de développement de bornes de recharge sur le territoire, d’après l’étude Rexel/BVA.

60 % des Français déclarent être prêts à réduire l’usage de leur voiture

Le risque d’une transition à deux vitesses

Pourquoi une telle inertie ? La contrainte budgétaire est l’un des principaux freins à la mise en œuvre de solutions de mobilité durable, selon l’étude Rexel/BVA. 34 % des collectivités déclarent manquer de budget pour investir dans la mobilité électrique, et 22 % pointent du doigt le coût élevé de l’électricité. Par conséquent, 41 % d’entre elles réclament un meilleur accompagnement de l’État, en particulier via le levier des subventions.

Ce déficit de soutien financier se traduit par un développement inégal des infrastructures, creusant les écarts entre territoires urbains et ruraux. Les petites et moyennes collectivités, où l’usage de la voiture est indispensable, sont pourtant les plus en retard sur le sujet. Seuls 19 % des habitants des communes rurales ont la possibilité de choisir leur mode de transport, contre 60 % dans les agglomérations de plus de 100.000 habitants, regrette l’AMRF. 

Ces inégalités ont été amplifiées par la fermeture de quelques 1.500 kilomètres de dessertes fines depuis 2015. Et de nombreuses lignes sont encore en danger, à l’image de celle reliant Lyon à Paray-le-Monial, ayant suscité de fortes mobilisations de la part des élus locaux et des conseils régionaux concernés. Le destin de la ligne repose sur le maintien d’un poste d’aiguilleur, essentiel pour empêcher les retards, un emploi que la SNCF Réseau prévoit de fermer, faute de moyens.

Prendre la mesure de l’urgence

Sur la question des mobilités décarbonées, la nouvelle loi de financement de 2025 change la donne. Désormais, les régions pourront mettre en place un « versement mobilité » afin de financer les infrastructures de transport par une taxe sur les entreprises. Une victoire obtenue par la présidente des Régions : la socialiste Carole Delga. Avant ce vote, l’Île-de-France était la seule à bénéficier de cette compétence. Cette mesure est toutefois fortement contestée par certaines Régions, qui ne souhaitent pas davantage amplifier la taxation des entreprises. 

Mais le problème ne se limite pas aux seuls financements. Selon l’étude BVA/Rexel, 15 % des collectivités dénoncent un manque d’informations sur les aides existantes et 12 % évoquent une méfiance de la population. 7 % d’entre elles vont même jusqu’à dire qu’elles n’ont pas besoin de développer la mobilité décarbonée sur leur territoire. Ces chiffres démontrent la nécessité d’impliquer les citoyennes et citoyens dans les décisions publiques. Loos-en-Gohelle, une commune des Hauts-de-France, a opté pour cette stratégie, en construisant de nouvelles mobilités vertes avec ses habitants, en partant directement de leurs besoins.

15 % des collectivités dénoncent un manque d’informations sur les aides existantes et 12 % évoquent une méfiance de la population

Entreprises et services publics : partager la responsabilité

Parfois, ces lacunes s’expliquent aussi par un manque de main d’œuvre qualifiée. Dans un article publié en mai 2024, la Banque des territoires analyse ce phénomène sous le prisme d’un manque de compétences en ingénierie dans les territoires ruraux. « La redondance administrative, les normes, font que cette ingénierie nous manque. […] Nous avons besoin d’un soutien technique qui nous permet de limiter la casse », témoigne Gilles Noël, maire et vice-président de l’AMRF. 

Dans ce contexte, des pistes alternatives et plus économiques émergent. Le think tank « La Fabrique Écologique » propose par exemple de développer des véhicules plus légers, à mi-chemin entre le vélo et la voiture, pour faciliter leur adoption dans les territoires où la voiture individuelle reste nécessaire. La SNCF Réseau planche quant à elle sur une solution de navette rail-route électrique, du nom de Flexy, pour diminuer les frais de maintien des dessertes fines (aujourd’hui opérées par les Régions). 

Les entreprises aussi ont un rôle à jouer : une seule journée de télétravail permettrait d’éviter en moyenne 4,5 kg de CO₂ par personne, liés aux trajets domicile-travail. Un facteur important, quand on sait que les Français ayant un emploi effectuent en moyenne 7,3 trajets par semaine entre leur domicile et leur lieu de travail. Les grandes entreprises ont aussi leur rôle à jouer en intégrant des flottes électriques pour leurs salariés. En 2024, seulement un quart d’entre elles avaient opté pour cette option, selon l’ONG Transport et Environnement. 

Qu’il s’agisse du service public ou des entreprises, la France devra de toute façon accélérer sa transition vers les mobilités vertes. Dans sa feuille de route, l’Union européenne entend devenir neutre en carbone d’ici 2050 et mettre fin aux véhicules thermiques d’ici 2035. Les habitudes des habitants dans les territoires devront donc drastiquement changer pour ne pas subir les amendes de la Commission européenne.

Une seule journée de télétravail permettrait d’éviter 4,5 kg de CO₂ par personne

Illustration : Freepik. 

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Mag : La France électrique

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