- Transition énergétique
- 6 min.
Pourquoi il ne faut pas augmenter les taxes sur l’électricité ?
Alors que les besoins en électricité du pays sont voués à croître, le gouvernement entend augmenter la fiscalité sur l’électricité. Un signal très défavorablement accueilli par les acteurs du secteur.
Vent d’inquiétude sur le secteur de l’électricité. Pour renflouer les caisses de l’Etat, le gouvernement de Michel Barnier envisage d’augmenter la fiscalité sur l’électricité. Concrètement, selon le projet du gouvernement, le montant de la taxe intérieure de consommation finale sur l’électricité (TICFE) devrait augmenter au-delà de 32,44 euros par mégawattheure au 1er février 2025. S’il était prévu que cette taxe retrouve son montant d’avant crise-énergétique, il n’était pas envisagé qu’elle l’excède.
Dans le cadre de la mise en place du bouclier tarifaire suite à la flambée des prix de l’énergie déclenchée par l’invasion russe en Ukraine en 2022, le montant de la TICFE avait en effet été abaissé à moins de 1 euro le MWh. Depuis, cette taxe remonte progressivement. Actuellement au montant de 21 euros/mégawattheure, elle devait retrouver au 1er février prochain son niveau de 2022. En l’espèce, ce ne sera pas le cas en vertu du projet de loi de finance 2025. Le ministère de l’Economie a en effet annoncé qu’elle sera portée vers « une fourchette autour de 50 euros du MWh ».
Une baisse des factures attendue… mais pas de retour à l’avant-crise
Avec cette mesure, le gouvernement espère dégager 3 milliards d’euros de recettes supplémentaires. Contraint par un objectif de réduction du déficit budgétaire de 60 milliards d’euros, le gouvernement s’abrite en fait derrière la baisse du prix de l’électricité pour justifier cette hausse de fiscalité. Après avoir atteint des sommets en 2022 (276 €/MWh en moyenne), le prix spot de l’électricité s’est effectivement effondré, se rapprochant à nouveau de son niveau d’avant-crise.
De fait, malgré la hausse de l’accise sur l’électricité, la facture des consommateurs devrait baisser au 1er février prochain, même si cette baisse sera moins importante que prévu. Ainsi, les 80 % de ménages qui ont souscrit aux tarifs réglementés de vente de l’électricité ou dont les contrats sont indexés sur ces tarifs bénéficieront d’une baisse d’au moins 9 % de leurs factures, selon le gouvernement. Pour rappel, dans le cadre des tarifs réglementés, le prix est fixé par les pouvoirs publics sur proposition de la CRE (Commission de régulation de l’énergie).
Pour les consommateurs ayant souscrit à une offre non-indexée sur le tarif réglementé, une hausse des factures est donc probable. Surtout, la hausse de fiscalité décidée par le gouvernement va entraver le retour des factures à un niveau plus proche de celui de l’avant-crise. Comme le note France Inter, entre l’été 2019 et le printemps 2025, les prix à la prise de courant auront augmenté de plus de 40 %, soit bien plus que l’inflation et les salaires.
« On ne taxe pas les produits dont on veut inciter la consommation »
Dans un contexte de décarbonation, qui nécessite un important effort d’électrification du pays, le projet du gouvernement passe mal. À l’Assemblée nationale, ce sont pas moins de 8 groupes politiques qui ont annoncé leur intention de déposer un amendement contre cette mesure. Les députés du groupe central proposent par exemple de plafonner la TICFE à son niveau d’avant-crise, sans aller au-delà. D’ores et déjà, l’article du projet de loi de finances prévoyant la hausse de la taxe sur l’électricité a été supprimé en commission des finances. Le projet sera toutefois bien examiné dans l’hémicycle.
Dans un éditorial, le média des consommateurs UFC – Que Choisir s’insurge contre un « scandale fiscal », jugeant le niveau de taxation « inacceptable ». Interrogé par RMC, Nicolas Goldberg, expert énergie chez Colombus Consulting, s’est également agacé : « C’est complètement contradictoire. On dit qu’il faut électrifier l’économie, qu’il faut acheter un véhicule électrique, mettre une pompe à chaleur plutôt que se chauffer au gaz ou au fioul et on augmente dans le même temps une taxe sur l’électricité. C’est aberrant. On ne taxe pas les produits dont on veut inciter la consommation, c’est même le contraire ».
Très inquiètes, les fédérations et associations professionnelles de l’électricité dont l’AFPAC (Association Françaises des Pompes à Chaleur), la FFIE (Fédération française des intégrateurs électriciens), le SER (Syndicat des Energies Renouvelables) ou encore l’AVERE (Association nationale pour le développement de la mobilité électrique), montent également au créneau. Dans une lettre ouverte adressée aux parlementaires, 16 d’entre elles dénoncent une hausse qui fera que « les consommateurs d’électricité pourraient contribuer plus au budget de l’Etat qu’au bien et service qu’ils consomment ».
« Un contresens écologique » ?
« Au cours des derniers mois, la facture d’électricité s’est régulièrement trouvée au coeur de l’actualité, dévalorisant de fait les atouts du système électrique français et de ses acteurs » rappellent les associations et fédérations.
Le projet présenté par le gouvernement entend procéder à une augmentation globale de l'accise de l'électricité à un niveau jamais atteint jusqu'ici, ce qui constituerait un contresens écologique.
« Dans le même temps, les énergies fossiles représentent encore deux-tiers de notre consommation nationale d’énergies finales et pèsent lourdement sur notre balance commerciale avec des importations énergétiques qui s’élèvent chaque année à plus de 65 milliards d’euros » déplorent-elles.
Depuis l’hiver 2022, la consommation d’électricité en France n’est jamais parvenue à retrouver son niveau d’avant-crise. La faute en partie au renchérissement du prix de l’électricité. Un paradoxe au moment où le pays entre pourtant dans un vaste mouvement d’électrification. À cet égard, le signal envoyé par le gouvernement en choisissant d’augmenter la fiscalité sur l’électricité apparaît comme étant pour le moins contradictoire.