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Comment réindustrialiser et décarboner de concert
20% des émissions totales de gaz à effet de serre en France sont générées par l’industrie. C’est pourquoi, dans une période de ou de nombreuses relocalisations d’activités industrielles sont en cours, Décarbonation et réindustrialisation doivent partager un agenda commun.
Dans cet épisode, Samuel, journaliste passionné par la transition énergétique interroge plusieurs expert.e.s pour analyser comment il est possible de concilier ces deux mouvements. Car des technologies et des stratégies existent pour développer une industrie plus efficace à la fois sur le plan économique et sur le plan écologique.
Commençons avec Yannick Jacquemart, directeur Nouvelles flexibilités pour le système électrique chez RTE. Vu l'augmentation de la demande et les arrivées de nouvelles industries sur notre territoire, notre réseau électrique est-il suffisamment bien dimensionné pour y répondre?
Yannick Jacquemart
L’arrivée de ces nouveaux industriels demandeurs de grands volumes d’électricité pose deux questions. La première, c’est saura-t-on produire assez d’électricité pour les alimenter? Donc ça, c’est la question de la production et de la consommation. On a tout lieu de penser que ça devrait être possible. Ça pose une deuxième question, qui est celle du réseau. Parce que ces industriels ont tendance à tous s’installer dans les mêmes zones, qui sont des grandes zones portuaires, à Fos-sur-Mer, à Dunkerque, au Havre, un peu dans la vallée de la Chine au sud de Lyon, quelques zones de cette nature-là, qui sont d’ailleurs les zones les plus émettrices de France. Donc tout ça est une logique. Mais du coup, ça nécessite des puissances de raccordement, c’est-à-dire des tailles de tuyaux de fils électriques, si vous voulez, très importantes dans ces zones. Du coup, ça a poussé RTE à relancer de façon extrêmement prioritaire le développement de lignes pour alimenter ces zones, pour renforcer l’alimentation de ces zones qui sont en cours de discussion, avec des enjeux locaux naturellement d’acceptabilité, parce qu’une ligne à très haute tension, ce n’est pas évident de la faire passer aujourd’hui.
Peut-on faire rimer cette électrification avec une stratégie de réindustrialisation? Anaïs Voy Gillis, géographe et chercheuse associée à l'IAE de Poitiers, pense que oui. Elle nous explique pourquoi.
Anaïs Voy Gillis
Il y a déjà une étude qui a été réalisée par l’INSEE fin octobre 2023 qui est intéressante, qui montre une chose qui est assez simple, c’est que de produire en France, c’est contribuer à réduire les émissions mondiales. Pour la simple et bonne raison qu’on a un mix énergétique qui est moins carboné que d’autres pays, y compris des pays en Europe, c’est-à-dire que pour produire le même produit en France, on a en général une intensité carbone qui est moins importante que ce qu’on pourrait avoir en Asie ou même dans des pays de l’Est de l’Europe. Ce que je pourrais nuancer en disant tout dépend du mix énergétique du site industriel, mais on est aussi dans une dynamique de décarbonation de nos sites. Et la deuxième chose, c’est qu’on a des normes sociales et environnementales qui sont plus élevées. Donc produire en France, réindustrialiser, ça a du sens d’un point de vue environnemental. Maintenant, ça pose plusieurs questions. Comment est-ce qu’on décarbone les industries qui sont en place sur le territoire européen? Comment est-ce qu’on a des procédés moins carbonés pour les industries qu’on pourrait rapatrier sur le territoire? Comment on fait naître des industries qui sont nativement peu intensives en carbone? Et donc ça passe par la construction de sites, mais ça passe aussi par les procédés industriels qui ne vont pas être des procédés fortement émetteurs. Comment on interroge le modèle économique des produits et la finalité ? C’est-à-dire que réindustrialiser ça a du sens et c’est aussi le meilleur moyen d’atteindre nos objectifs de décarbonation. Alors ça peut paraître contre-intuitif parce que certains pourraient se dire pour atteindre nos objectifs de décarbonation c’est simple on ferme toutes les usines et puis on importe sauf qu’on ne sera aucun effet sur notre empreinte carbone.
Est-ce que cela ne fait pas peser les risques sur les industriels européens, notamment par rapport à leurs équivalents dans d'autres parties du monde, moins regardantes sur les enjeux environnementaux?
Anaïs Voy Gillis
Il y a également les acteurs publics qui ont un rôle à jouer, c’est les politiques de subvention, c’est les politiques d’infrastructure et d’aménagement du territoire, mais c’est aussi la politique européenne, c’est-à-dire que si on fait l’effort de se décarboner, comment est-ce qu’on garantit aux acteurs industriels qui ne vont pas se retrouver en concurrence avec des produits moins disant sur le plan environnemental, parce qu’on sait qu’il y a des efforts d’électrification qui peuvent permettre de produire à iso-coût, il y en a d’autres qui vont induire une augmentation du prix et il y a une forme d’injustice, c’est-à-dire qu’on travaille pour ça et puis que derrière on laisse rentrer des produits qui ne respectent pas les mêmes normes que nous, qui n’ont pas les mêmes contraintes. Une des réponses de l’Union européenne, c’est de mettre en place le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières, qui est une sorte de taxe carbone, qui devrait permettre de rééquilibrer en partie les échanges de l’Europe vers le reste du monde, mais en même temps, elle le fait en faisant évoluer son propre marché du quota carbone. Et donc la réponse aujourd’hui, elle n’est pas totalement satisfaisante pour accélérer les transitions en Europe.
Pour conclure cet épisode, nous avons appelé Jérémy Vitrey, qui dirige la société Linotte, spécialiste dans les solutions énergétiques et thermiques pour l'habitation.
Jérémy Vitrey
Moi, j’ai toujours été féru de pompe à chaleur, ce sont mes études de base. Maintenant, depuis deux ans, les gens sont convaincus que c’est un super système. On a l’impression qu’on a rayé tous les autres systèmes de la Terre, de la Donne, en se disant qu’est-ce qu’on peut mettre chez nous? Il faut mettre une pompe à chaleur, même quand parfois ce n’est pas adapté, ce qui est rare de ne pas pouvoir l’adapter. Il y a six ans, il fallait prouver que ça allait fonctionner. Aujourd’hui, ils ne veulent plus que ça. Ce que j’explique souvent aux gens, parce que j’ai toujours fait le tour des maisons pour voir comment passaient les tuyaux, comment étaient dimensionnés les radiateurs, etc. Et ça fait du coup, depuis que je travaille, que j’entends, vous êtes les seuls à dépasser les portes de la chaufferie. Et même aujourd’hui, malgré tout, je ne sais pas comment ils font pour remplir les documents, on fait toujours de la pédagogie parce que si on veut vendre, les meilleurs clients pour nous sont ceux qui s’intéressent à l’investissement qu’ils vont réaliser. Même si on fait en sorte que ça leur revienne le moins cher possible avec les organismes d’aide, mais on essaie de faire des choses qui fonctionnent et qui donnent, que ce soit cohérent pour le client. Entre son investissement, ce qu’il va consommer en termes d’électricité. On fait des vraies études derrière et on a des retours, on se trompe rarement. Pourquoi on fait ça? Comment? Suivant l’utilisation qu’il va avoir du bâtiment. En fait, on essaie de s’adapter à toute la maison. Donc il y a ce qui est très exposé, où il y a des radiateurs en pompe, Ils ont fait, comme c’est arrivé il n’y a pas longtemps, une grosse ouverture très ensoleillée. Un radiateur en fonte est très inconfortable par son volume d’eau et une faible réactivité. Donc on va déplacer, on fait une modif, etc. On ne se contente pas de juste arriver, poser la PAC en trois jours et partir, et puis ça fera ce que ça fera.
C’est terminé pour aujourd’hui !
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Courant Positif est un podcast produit par Rexel, concocté par l’Agence Calliopé et animé par Samuel Belaud.