- Génie électrique
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L’indispensable flexibilité des réseaux électriques
La transition vers une économie bas carbone entraîne un essor de sources d’énergie très peu pilotables. Un défi pour les réseaux électriques traditionnels, conçus pour une alimentation électrique constante. En effet, à chaque instant, la puissance électrique injectée sur le réseau doit être égale à la puissance électrique qui est consommée ou exportée. C’est cet équilibre qui permet de conserver la fréquence du réseau et d’éviter le black-out.
Dans cet épisode, Samuel, journaliste passionné par la transition énergétique interroge plusieurs expert.e.s pour explorer l’indispensable flexibilité des réseaux électriques, et examiner les technologies et les stratégies utilisées pour rendre les réseaux plus réactifs et résiliants.
Pour commencer, je me suis demandé comment fait-on concrètement gagner un réseau électrique en flexibilité. Yannick Jacquemart, directeur Nouvelle Flexibilité pour le système électrique chez RTE, nous répond.
Yannick Jacquemart
La flexibilité pour le système électrique, globalement, c’est la capacité à décaler des productions ou des consommations. Ce dont nous parlons de plus en plus, c’est la flexibilité, alors souvent par batterie, mais nous insistons dorénavant sur la flexibilité de la consommation, c’est-à-dire la capacité de décaler des consommations, de moduler certaines consommations ou d’effacer certaines consommations. Historiquement, ce qu’on appelait flexibilité, c’était surtout l’effacement, c’est-à-dire dans les périodes de pointe, je réduis un tarif EGP, Tempo, des choses comme ça. Désormais, l’enjeu de flexibilité, c’est de bien positionner sa consommation en fonction des moments où l’électricité est décarbonée et moins chère. Elle est moins chère quand il y a du soleil, parce que les panneaux photovoltaïques produisent beaucoup, elle est moins chère quand il y a du vent, elle est moins chère quand les autres ne consomment pas, la nuit ou le week-end. Donc naturellement, il va y avoir des rythmes différents. Le solaire, on sait quand c’est, on ne sait pas toujours le niveau, mais on sait à peu près quand c’est. La nuit, le week-end, c’est facile, donc tout ça on peut le programmer de façon statique vous savez que vous avez intérêt à décaler du chauffage, à décaler des appareils en milieu de journée plutôt qu’à 7h du matin ou à 7h le soir, ça c’est facile. Le vent, comme la température, l’hiver, c’est plus compliqué. On ne peut pas le prévoir longtemps à l’avance, mais pour autant, deux jours avant, un jour avant, on peut savoir. Il ne s’agit pas que chacun surveille les indicateurs et règle à la main. Désormais, il y a la domotique, il y a pas mal d’outils et il y a des intermédiaires, des fournisseurs, des agrégateurs qui proposent des services de cette nature-là.
C'est bien plus clair ainsi. Comment alors fait-on pour améliorer la flexibilité d'un réseau électrique qui est de plus en plus alimenté par des énergies renouvelables, par essence non pilotables ?
Yannick Jacquemart
Les énergies renouvelables ne sont pas pilotables pour l’essentiel. On peut les réduire, mais difficilement les augmenter. On ne va pas faire produire un panneau photovoltaïque la nuit, ça va être très difficile. Donc effectivement, c’est une contrainte qu’il faut gérer. Pour autant, c’est une contrainte qui n’est pas impossible à gérer, notamment puisque c’est quand même la journée qu’on consomme le plus et qu’on a le plus d’activité. Donc tout l’enjeu, c’est de mettre les consommations que l’on peut en face de ces productions. Ce qui était important d’avoir, c’est quelques heures de grandeur en tête. Je suis désolé de vous donner quelques chiffres, mais en ce moment, les panneaux photovoltaïques, ils doivent produire environ 10 GW une journée ensoleillée. Mais il s’avère que la nuit à 22h, 23h, ce sont aussi 10 GW de chauffe-eau qu’on allume par le signaleur pleine-creuse donc on voit bien que si on décale ces chauffe-eaux à l’après-midi on a déjà l’équivalent de cette consommation solaire qui est directement utilisée pour chauffer l’eau dans l’ensemble des ballons d’eau chaude Demain, il y aura des véhicules électriques, il y a possibilité de décaler de la climatisation, du chauffage. Donc ça ne fera pas forcément tout, mais on voit bien que c’est une mesure simple, très peu coûteuse, et qui peut permettre de tirer le maximum de bénéfices des énergies renouvelables.
Est-il alors nécessaire de modifier le système actuel d'heure pleine, heure creuse ?
Yannick Jacquemart
Pour un consommateur particulier, ça veut dire différentes solutions qui demandent à être inventées, et RTE n’a pas la main dessus, mais qui pourraient être des heures creuses, heures pleines heures creuses, plus larges, avec davantage d’heures creuses. Des heures creuses la nuit, comme on les connaît, mais aussi des heures creuses le jour. Et les deux peuvent s’ajouter, puisqu’en fait ce sont deux moments creux. Donc pour un consommateur particulier comme tertiaire d’ailleurs, ou industriel, s’il le peut, in fine il faudra éviter de consommer dans deux moments de la journée assez précis, le début de matinée, d’environ de 7h à 10h, qui correspond à quoi ? Au lever, au début d’activité et au moment où il n’y a pas encore assez de soleil. Et puis le soir, entre 18h et 20h, pourquoi ? Pour les mêmes raisons. Il y a moins de soleil, sauf l’été, mais c’est le pic d’activité, parce que tout le monde rentre à la maison, les bureaux sont encore chauffés ou allumés, etc. Donc on va passer d’une logique où il y a quelques heures creuses par jour, à progressivement une logique où il y a deux périodes de pointe à éviter par jour. Le week-end, naturellement, il n’y a pas de pointe du matin, pour une raison évidente, parce qu’il y a moins d’activité le matin, allez savoir pourquoi.
Le mot de la fin revient à Baptiste Feral, directeur du pôle tertiaire chez l'installateur E2M.
Baptiste Feral
On attaque un dossier en collaboration avec Rexel sur un bâtiment Leclerc sur lequel on va équiper tout le bâtiment d’un système de GTEB. Donc GTEB, c’est la gestion technique et énergétique des bâtiments. Ce sont des installations qui étaient fortement conseillé il y a quelques années, qui deviennent obligatoires de tout ce qu’on connaît au niveau de la transition énergétique, le besoin de compter, de mesurer l’énergie pour l’optimiser au maximum. Donc il y a des normes qui se mettent en place pour que ce soit efficace sur les bâtiments. On a effectué un travail d’études et d’audits ensemble sur l’intégralité du bâtiment. L’objectif, ce n’est pas juste d’installer des compteurs, c’est derrière accompagner le client de A à Z pour qu’on l’aide à lire, interpréter ce qui se passe en termes d’énergie dans son bâtiment et pour améliorer son efficacité. Là où c’est en train de réellement changer et où notre métier change un petit peu, c’est qu’il y a justement toute cette phase d’exploitation sur laquelle il faut accompagner le client. On avait l’habitude d’installer un système et de laisser le client avec sa direction technique ou autre se débrouiller et le prisme qu’il faut prendre là c’est d’aller plus loin dans l’exploitation avec lui et de l’accompagner parce que c’est des enjeux qui deviennent majeurs et il a besoin de nous pour prendre des décisions rapidement et pour interpréter vite ce qui se passe sur son bâtiment. Notre rôle au sein de tout ce qui se passe dans la transition énergétique en tant qu’installateur c’est d’aider nos clients à faire coïncider l’offre et la demande en terme d’énergie disponible dans leur bâtiment et parce qu’on parle de transition énergétique à une échelle nationale, à une échelle régionale, mais à l’intérieur même des bâtiments sur lesquels on travaille pour nos clients, il y a cette relation-là à mettre en place et c’est tout l’enjeu qu’on aura à apporter à nos clients sur ce type d’installation.
C’est terminé pour aujourd’hui !
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Courant Positif est un podcast produit par Rexel, concocté par l’Agence Calliopé et animé par Samuel Belaud.