- Génie électrique
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Une brève histoire de l’éclairage public : de la lanterne à l’éclairage intelligent
Nous vivons avec, sans vraiment y prêter attention. Objet du quotidien, l’éclairage public est le fruit d’une longue histoire. Aujourd’hui géré par les collectivités, il représente un enjeu économique, énergétique et écologique majeur.
Depuis la domestication du feu, les hommes tentent d’apprivoiser l’obscurité. Le processus a été long et il faut remonter à l’Antiquité tardive pour retrouver de premières traces d’un usage ponctuel de l’éclairage urbain, à l’aide notamment de lampes à huile. La pratique de l’éclairage des rues n’a toutefois pas perduré au Moyen-Âge. Invitée par les pouvoirs locaux à installer des éclairages aux fenêtres des façades, la population s’y est longtemps refusée en raison du coût prohibitif des chandelles et des bougies et par peur des incendies, fléau de la vie urbaine médiévale. Une première tentative de dispositif d’éclairage fixe a lieu en 1558 lorsque le Parlement ordonne que soit installé à Paris un « fallot ardent » à chaque coin de rue. C’est finalement sous le règne de Louis XIV et sous l’administration de Colbert que se structure véritablement l’éclairage public. Moyennant une taxe, le monarque fait installer un dispositif uniformisé de lanternes à bougies dans les rues de la capitale, conçu pour fonctionner durant toute la période hivernale. Le « Roi-Soleil » en fera un élément de propagande en faisant frapper une médaille en 1669 avec la devise « Urbis securitas et nitor », ce qui signifie « la sécurité et la clarté de la Ville ». Trente ans plus tard, en 1697, un édit impose aux grandes villes du royaume de s’équiper à leur tour de lanternes publiques.
Le XIXe, un siècle des Lumières pour l’éclairage public
En 1744, l’ingénieur Dominique-François Bourgeois, aussi appelé Bourgeois de Châteaublanc, invente la lanterne à réverbère. Suspendue, celle-ci est constituée d’une armature, d’un bec à huile et de réflecteurs métalliques qui réverbèrent la lumière en direction du sol. À partir de 1766 à Paris, le réverbère, qui fonctionne alors à l’huile de tripes, remplace les lanternes à chandelles. Des agents sont chargés chaque jour de les manipuler : ce sont les allumeurs de réverbères. Au XIXe siècle, dans le sillage de la révolution industrielle, les dispositifs à huile vont progressivement laisser place à l’éclairage au gaz. C’est à cette époque que le baron Haussmann fait installer des candélabres en fonte devenus depuis un marqueur de l’identité parisienne. Entre 1853 et 1869, leur nombre passe de 12 485 à 33 859. Les années suivantes sont marquées par l’arrivée de l’électricité dans les villes. En 1878, l’avenue de l’Opéra fut la première voie publique éclairée à l’électricité grâce aux bougies de Joblochkoff, des lampes à arc électrique. En 1884 et 1885, les communes de Bellegrade-sur-Valserine (Ain) et La Roche-sur-Foron (Haute-Savoie) deviennent les premières villes de France à se doter d’un éclairage public électrique.
La révolution LED
Tout le début du XXe siècle verra se dérouler l’électrification des grandes villes du pays. L’arrivée de l’électricité entraîne aussi une révolution esthétique : il n’est plus nécessaire de produire des luminaires conçus pour protéger une flamme. Désormais produits en série, les lampadaires revêtent des formes diverses et variées selon l’usage, la technologie d’éclairage incrémentée ou le lieu d’implantation. Jusqu’à la seconde guerre mondiale, la plupart d’entre eux sont arrondis en raison de l’utilisation de lampes à incandescence. Celles-ci seront progressivement abandonnées au profit d’autres technologies, à commencer par les lampes à décharge puis les diodes électroluminescentes, plus connues sous le nom de LED (de l’anglais light-emitting diode). C’est cette technologie qui est aujourd’hui en train de s’imposer dans l’espace public, se substituant progressivement aux dispositifs installés dans les années 1980 (lampes à décharge à vapeur de mercure ou de sodium). Les LED représentaient 10% des 9,5 millions de points lumineux recensés en 2018 et 15% en 2021. Une part amenée à progresser encore : selon l’Association Française de l’Éclairage, l’écrasante majorité des rénovations et nouvelles installations se font aujourd’hui au profit de sources LED. Peu étonnant compte tenu des nombreux avantages que représente la technologie pour les collectivités, à commencer par son caractère peu énergivore, qui est un véritable atout économique. Selon l’Ademe, l’éclairage public représente en effet 37% de la facture électrique d’une collectivité territoriale et 41% de sa consommation. De quoi menacer les équilibres budgétaires publics en cas de renchérissement du prix de l’électricité. D’après le Syndicat de l’Éclairage, passer un équipement de plus de 25 ans aux solutions LED les plus performantes permet de diviser par 3 ou 4 la consommation d’énergie dédiée à l’éclairage public. De plus, la technologie LED a une durée de vie bien plus élevée, ce qui réduit la fréquence des opérations d’entretien et de maintenance.
Face aux enjeux écologiques, l’avènement de l’éclairage intelligent
Si la réduction de la facture énergétique est aujourd’hui un enjeu majeur, la question de l’impact de l’éclairage urbain sur la biodiversité et la santé humaine a aussi largement émergé ces dernières années. D’autant que la pollution lumineuse s’est détériorée sur le territoire : 85% y est exposé à un niveau élevé. Le déploiement des LED a pu y participer en raison de la puissante lumière blanche émise. Certaines collectivités ont commencé à y répondre en déployant des dispositifs de type LED ambrées pour émettre dans un spectre restreint et limitant les nuisances pour les animaux. Au niveau réglementaire, la France a fixé des normes techniques visant à ne pas éclairer le ciel ou à limiter l’éblouissement latéral. De nombreuses communes travaillent aussi à optimiser leur éclairage urbain, parfois en l’éteignant en cœur de nuit. Un sujet que les élus manient avec précaution alors que l’éclairage urbain rassure les populations. Un sondage Ipsos avait ainsi montré que 91% des Français soulignaient le rôle de l’éclairage pour « renforcer les conditions de sécurité le soir et la nuit ». Là aussi, des solutions existent, grâce notamment à l’éclairage public intelligent ou smart lighting. Le raccordement du système d’éclairage au réseau permet désormais de le piloter à distance. Avec les bons équipements, il est ainsi possible d’ajuster l’éclairage selon la fréquentation des lieux. Baisse de l’intensité lumineuse selon l’heure ou le taux de passage ou encore éclairage par détection de la présence : les possibilités sont désormais nombreuses et dessinent à n’en pas douter l’avenir de l’éclairage public.