- Génie électrique
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Tout comprendre à la supraconductivité
Transfert d’électricité, IRM, lévitation… La supraconductivité porte avec elle de nombreuses promesses. Et si les applications actuelles sont déjà nombreuses, l’avenir réserve certainement des progrès considérables.
Lorsque le courant circule dans un câble électrique classique, son trajet est semé d’embûches. Champ magnétique, résistance électrique… Plus il avance, plus il perd en puissance. C’est pour remédier à cela que certains appareils ont recours à la supraconductivité.
Lorsqu’un matériau est supraconducteur, pas de résistance, pas de champ magnétique ! Le courant repousse tout ce qui se met en travers de sa route et peut ainsi voyager plus rapidement, avec un débit plus élevé, et sans perte d’énergie. Si ce tableau peut faire penser à une technologie futuriste, il s’agit pourtant d’un phénomène connu depuis plus d’un siècle.
La supraconductivité a été découverte en 1911 par un physicien néerlandais, Heike Kamerlingh Onnes. L’homme et son équipe avaient testé la résistance électrique du mercure à une température de -268 degrés, soit à peine 5 degrés au-dessus du zéro absolu, et avaient constaté que cette résistance… avait disparu. Après quelques décennies de découvertes sur le phénomène, les premiers fils supraconducteurs sont finalement commercialisés dans les années 1960.
Aujourd’hui, un câble supraconducteur de 15 centimètres de diamètre peut faire passer jusqu’à 3 gigawatts de courant, soit 5 fois plus qu’un câble en cuivre ordinaire. Ce qui serait crucial pour fournir les besoins de sociétés où l’électricité joue un rôle de plus en plus important.
Souffler le chaud et le froid
En revanche, fabriquer un matériau supraconducteur n’est pas si simple. Même si la technique est maîtrisée aujourd’hui, elle demande un coût énergétique phénoménal et toute une installation dédiée.
Pour faire simple, il existe deux manières d’aboutir à un matériau supraconducteur : le feu et la glace. Si Onnes s’était approché du zéro absolu pour parvenir à cet état, d’autres y arrivent en augmentant la température à plus de 250 degrés !
Des variations existent aussi en jouant avec la pression. Si elle est plus élevée, il n’est pas nécessaire d’aller jusqu’à ces températures extrêmes. C’est donc encore aujourd’hui la méthode du froid qui est la plus couramment utilisée. Manipuler des matériaux avec une pression élevée est dangereux et complexe, mais avec une bonne gaine d’azote autour d’un câble, le tour est joué !
Haute et basse température : dans les deux cas, les risques sont élevés et certains scientifiques aimeraient aller plus loin en créant des matériaux supraconducteurs à température ambiante. Plusieurs études annonçant des méthodes miraculeuses ont été publiées ces dernières années… Mais toutes ont été depuis largement remises en cause. Le chercheur américain Ranga Dias est ainsi devenu le symbole de ces exagérations après que ses études aient été rétractées. Une équipe sud-coréenne qui présentait un matériau miracle s’est aussi vue désavouée par la communauté scientifique. Pour l’instant, si des progrès existent avec des matériaux innovants qui nécessitent moins de pression, ou moins de froid, la révolution n’est pas encore à l’horizon.
Du CERN aux hôpitaux
Pourtant, l’enjeu est grand, car la supraconductivité ne sert pas uniquement à « électrifier le monde » en assurant les besoins croissants de la population mondiale. En fait, les applications sont multiples.
En médecine, les matériaux qui n’ont pas de résistance électrique peuvent créer des champs magnétiques intenses qui sont essentiels au fonctionnement des IRM.
Au CERN (Organisation européenne pour la recherche nucléaire), le Grand collisionneur de hadrons, plus puissant accélérateur de particules au monde utilisé pour des expériences physiques sur la matière, dispose d’un tunnel de 27 km de long. Il a besoin d’une quantité d’énergie colossale pour fonctionner, avec un courant de 11 080 ampères et des champs magnétiques 100 000 fois plus puissants que celui de la Terre. Sans matériau supraconducteur, il devrait mesurer 120 km pour atteindre la même performance !
De plus, avec leur aptitude à repousser les champs magnétiques, les matériaux supraconducteurs provoquent un phénomène de lévitation. Au-delà de l’aspect « magique », ce phénomène peut servir à stocker de l’énergie. Un système de roue aimantée tourne dans le vide, sans rencontrer de résistance puisqu’il n’y a pas de frottement, et donc pas de perte d’énergie.
Enfin, ce sont ces mêmes bobines qui servent à générer les champs magnétiques utilisés pour reproduire la fusion nucléaire. Une technique encore en cours de conception qui pourrait produire d’énormes quantités d’énergie à partir de très peu de matière, comme le font les étoiles.
L’intérêt des matériaux supraconducteurs n’est plus à démontrer, et le secteur parvient déjà à être économiquement viable, avec notamment des entreprises françaises comme Nexans qui se sont fait un nom dans le milieu. Malgré ce succès, les recherches sont toujours extrêmement actives sur le sujet, dans l’espoir de faire sauter quelques verrous technologiques et d’aller plus loin pour produire plus de matériaux, pour moins cher.
Crédit photo : Erwan Martin – Unsplash