Génie électrique
10 min.

Courant continu/courant alternatif, quelles différences ?

Dans l’un, le flux électrique va d’un point A à un point B, dans l’autre, il fait des allers-retours. Les courants continus et alternatifs cohabitent dans les systèmes de production et de diffusion de l’électricité. Avec chacun leurs spécificités, ils n’ont pas les mêmes usages.

Courant continu/courant alternatif, quelles différences ?

Entre courant alternatif (CA) et courant continu (CC), c’est une longue histoire. À l’origine, c’est même l’histoire… d’une guerre. Celle que l’on a appelée « la guerre des courants » aux États-Unis durant les années 1890. Cette célèbre bataille a opposé deux grands noms de l’histoire de l’électricité. D’un côté, l’inventeur américain Thomas Edison, promoteur du courant continu, qui a été historiquement le premier usage en électricité. De l’autre l’ingénieur européen d’origine croate Nikola Tesla, fervent défenseur du courant alternatif.

À l’époque, le réseau électrique de New York fonctionne, assez laborieusement, sur le courant continu qui ne peut être transporté que sur de courtes distances. Cela nécessitait donc l’installation de mini-centrales à charbon dans les centres-villes. Tesla, lui, croit fermement à l’efficacité du courant alternatif. Il se heurte au mépris d’Edison qui entame une campagne publique visant à faire croire que le courant alternatif est dangereux. Si Tesla passera le reste de sa vie dans l’indifférence, c’est bien le courant alternatif qui emporte une bataille décisive en 1896 avec la construction d’une centrale électrique sur les chutes du Niagara pour alimenter New York en électricité… grâce au courant alternatif.

Et c’est donc ainsi que le courant alternatif a largement triomphé sur le courant continu. Une suprématie qui pourrait toutefois prendre fin sur fond de transition énergétique. Courant continu, courant alternatif… Pour l’utilisateur moyen, ces termes peuvent toutefois rester mystérieux tant ils semblent ne rien changer à l’utilisation quotidienne de l’électricité. Pourtant, ce sont deux types de flux diamétralement différents, tant dans leur production que dans leurs usages. Pour résumer simplement : avec le courant continu, le flux d’électrons se dirige dans une seule direction, de la borne négative vers la borne positive. Avec le courant alternatif, ce flux va dans les deux sens dans un mouvement de va-et-vient permanent.

Les deux types de courants ont chacun leurs avantages et leurs inconvénients, ce qui justifie leur existence et leur utilisation. Mais revenons à la source : comment sont-ils fabriqués ?

Des centrales à la prise

Pour le courant continu, tout vient des générateurs : piles, batteries, panneaux solaires… Ils convertissent de l’énergie chimique ou photovoltaïque en énergie électrique. L’idée globale est d’avoir un matériau réducteur qui perd des électrons, et un autre oxydant qui les absorbe. Lorsque les électrons sont stockés, ils peuvent être renvoyés dans un circuit électrique, de la borne négative vers la borne positive.

En courant alternatif, l’installation nécessaire est celle d’une centrale électrique. Une turbine est mise en rotation, ce qui fait tourner un rotor muni d’électroaimants. Ces aimants sont en contact avec des bobines de fils de cuivre fixes, ce qui dégage des électrons. Mais au lieu de rester sur place, ces électrons oscillent dans un sens, puis dans l’autre entre les bornes positives et négatives. Leur mouvement de haut en bas sur quelques microns à peine est dit « sinusoïdal ». Dans ce système, ils ne peuvent pas être stockés et sont directement convertis en courant alternatif.

Le courant alternatif est aujourd’hui le plus massivement utilisé dans la vie courante. Produit en grande quantité, il peut directement être envoyé dans des foyers via des lignes électriques. Lorsqu’il passe dans un matériau conducteur qui lui résiste, il le chauffe, c’est ce qu’on appelle l’effet Joule. Un effet bien utile puisque c’est lui qui allume les filaments d’une ampoule par exemple. En revanche, si la tension est élevée, l’intensité va se réduire et le courant circulera mal. Ici, il faut comprendre la tension comme étant la pression, un peu à la manière d’un tuyau d’arrosage qui serait fermé, mais où la pression serait déjà réglée.

Heureusement, le passage du courant alternatif dans un transformateur peut réduire ou augmenter la tension selon les besoins. En centrale nucléaire, le courant sera de l’ordre de 20 000 volts. Il passe dans le transformateur composé de plusieurs bobines de cuivre, certaines servant à augmenter la tension, et d’autres à la diminuer. Il en ressort à très haute tension, autour des 400 000 volts afin de circuler en grande quantité, avec des pertes minimales. Puis il passe en haute tension après un nouveau transformateur réglé à 225 000 volts, avant la moyenne tension autour des 35 000 volts, pour enfin être réduit aux basses tensions d’environ 230 volts environ que nous utilisons dans nos logements.

Vers une revanche du courant continu ?

Le courant continu n’a toutefois jamais été abandonné. Plus pratique sur les longues distances car il n’est pas déstabilisé comme peut l’être le courant alternatif, il est utilisé dans le ferroviaire, ou dans certaines lignes haute-tension, comme celles qui sont enterrées ou placées sous l’océan.

En effet, le courant alternatif nécessite l’installation de stations à intervalles réguliers pour garder son intensité sans trop de pertes. Ainsi, si la distance est de plus de 600 kilomètres, le courant continu peut devenir économiquement intéressant. Pendant longtemps, ce cas de figure a été plutôt rare en raison de la construction resserrée des réseaux électriques. Mais aujourd’hui, ils sont beaucoup plus étendus, notamment pour récupérer l’électricité produite sur de longues distances, comme avec les éoliennes en mer. Résultat : le courant continu fait actuellement son grand retour. Des onduleurs munis de diodes peuvent ainsi convertir le courant continu en courant alternatif. Ils peuvent également convertir la tension afin d’utiliser celle qui est la plus adaptée à l’usage.

Par ailleurs, « le courant continu devient, ces dernières années, de plus en plus important, en particulier avec la montée en puissance des technologies de communication et de l’information, des panneaux solaires photovoltaïques mais aussi et surtout de l’électronique portable et des véhicules électriques qui utilisent des batteries qui fournissent du courant continu » note Yannick Neyret, président de la Fondation Current/OS, qui promeut un système standard ouvert pour la distribution de courant continu afin d’améliorer la résilience, la durabilité et la sécurité de la distribution d’énergie.

Preuve de ce retour en grâce, l’Union Européenne a lancé fin 2023 un programme à 11 millions d’euros intitulé Shift2DC afin de développer des technologies qui fonctionnent sur la base du courant continu, avec un potentiel économique et écologique intéressant. Sont visés des ports, des industries, des bâtiments, ou même des Data Centers un peu partout à travers 13 pays d’Europe. Le but : identifier dans quels cas de figure le courant alternatif pourrait être remplacé par son concurrent plus simple d’utilisation. Pour l’instant, le projet en est à l’étape des études de faisabilité, mais des groupes français comme EDF, ou encore Nexans, spécialisé dans les matériaux supraconducteurs, s’y engagent.

Parviendront-ils à mettre fin au règne du courant alternatif ? L’équilibre est en tout cas en train de changer.

Le saviez-vous ?

En 2016-2018, Rexel Pays-Bas a participé à un projet de recherche pour tester les gains réels d’efficacité énergétique et le déploiement graduel d’un nouveau type de réseau à courant continu.

Ces articles peuvent vous intéresser

  • Génie électrique
  • 7 min.

Vis ma vie d’électricien : Guillaume Lavenu, patron de Tête d’Ampoule

Ils et elles effectuent les tâches techniques essentielles à notre confort le plus élémentaire : la lumière, le chauffage, l’électricité… Mais à quoi ressemble le quotidien des électriciens ? Guillaume Lavenu, artisan-entrepreneur, nous raconte.  

  • Génie électrique
  • 8 min.

Comment fonctionne la VMC double flux ?

À la fois économique et écologique, la VMC double flux a gagné en popularité ces dernières années, mais comment fonctionne-t-elle ?   

Abonnez-vous à
Courant Positif
Abonnez-vous à Courant Positif