- Transition énergétique
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EPR de Flamanville : tout savoir sur le nouveau réacteur nucléaire le plus puissant de France
Le démarrage de l’EPR de Flamanville représente la première mise en service d’un réacteur nucléaire en France depuis près de 25 ans. Il pourrait s’agir de la première pierre du renouveau nucléaire du pays.
Et le cœur du réacteur s’est mis à battre. Ce mardi 3 juillet, à 15h54, le réacteur EPR de Flamanville démarre officiellement. S’enclenche à ce moment-là ce que l’on appelle la divergence. Comme l’explique EDF, « la divergence consiste à établir une réaction nucléaire stable à très faible puissance ». Problème : après avoir connu sa première réaction nucléaire, le réacteur s’est arrêté automatiquement le lendemain. Selon l’Autorité de sûreté nucléaire, ce vrai faux-départ a été provoqué par une « erreur humaine ».
« Cette anomalie a pour origine une mauvaise mise en configuration des systèmes électroniques » explique l’ASN. Rien d’alarmant toutefois, selon Nicolas Goldberg, expert énergie chez Colombus Consulting. Interrogé par l’AFP, il déclare : « c’est un démarrage de procédé industriel très complexe et il est donc courant de rencontrer des aléas ». L’EPR a d’ailleurs redémarré ce samedi 7 septembre, reprenant le début de sa montée en puissance.
L’EPR, continuité bien plus que rupture
Ce démarrage est un véritable événement mondial. L’EPR de Flamanville n’est que le quatrième réacteur dit de « troisième génération » à entrer en service après ceux de Taishan en Chine et celui d’Olkiluoto devenu opérationnel l’année dernière en Finlande. La portée nationale de l’événement n’est pas moins conséquente. Aucun réacteur nucléaire n’est entré en service en France depuis celui de Civaux 2 (Vienne) en 1999. Celui-ci correspondait à la dernière tranche du plan Messmer, lancé en 1974 au lendemain du choc pétrolier et qui avait achevé de faire entrer la France dans l’ère du « tout-nucléaire » pour sa production nationale d’électricité. Entre 1977 et 1999, ce sont pas moins de 58 réacteurs qui sont ainsi entrés en service sur le territoire.
Doté d’une puissance électrique nette de près de 1600 MWe, l’EPR, abréviation de European pressurized reactor (réacteur pressurisé européen) ne représente pas à proprement parler une rupture technologique. Il s’agit au contraire d’un modèle dit « évolutionnaire ». Comme le relate l’IRSN (Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire), l’EPR est « une évolution des réacteurs à eau sous pression » actuels avec « l’objectif d’améliorer sensiblement la sûreté et la protection des travailleurs contre les rayonnements ionisants, avec en particulier la prise en compte, dès la conception, du risque d’accident avec fusion du coeur du réacteur ».
De hauts standards de sûreté
Des standards de sûreté plus exigeants liés au contexte de développement de l’EPR. Le projet a en effet été conçu au lendemain de la catastrophe de Tchernobyl en 1986. En 2007, le décret autorisant la construction de l’EPR à Flamanville stipulait que le nouveau réacteur devait être capable de résister à « la chute accidentelle d’un aéronef ». Fruit d’une collaboration entre le Français Framatome (anciennement filiale de Areva) et l’Allemand Siemens, le développement de l’EPR a notamment reposé sur l’expérience acquise sur les réacteurs de deuxième génération existants en France (réacteurs de type palier N4) et en Allemagne (réacteurs « Konvoi »).
Entre autres caractéristiques, la piscine de l’EPR est située dans une structure séparée du bâtiment réacteur et protégée par une double coque en béton. L’EPR est aussi doté de quatre systèmes redondants de refroidissement et d’un récupérateur du cœur fondu en cas d’accident majeur permettant de confiner la radioactivité. Par rapport à ses prédécesseurs, l’EPR est également plus performant et dispose d’une puissance électrique de 1600 MWe, supérieure aux 900 à 1500 MWe des réacteurs du parc français actuel. Enfin, l’EPR est moins consommateur d’uranium – 7 à 15% en moyenne par kWh produit par rapport aux réacteurs de deuxième génération. Par ailleurs, il est conçu pour une durée d’exploitation minimale de 60 ans et intègre les conséquences du changement climatique, dont la hausse du niveau marin.
Un chantier plus long et plus cher que prévu
Si le démarrage de Flamanville est si attendu, c’est aussi parce que son chantier a pris énormément de retard. La décision de construire l’EPR avait été actée par le Parlement en 2005. Sa construction à Flamanville avait été autorisée par décret deux ans plus tard. Initialement, l’EPR devait être connecté au réseau dès 2012 et coûter un peu moins de 3,5 milliards d’euros. Mais l’EPR de Flamanville a vite rencontré des difficultés de génie civil. La filière nucléaire française s’est notamment trouvée confrontée à l’épineuse problématique de la perte de compétences et à un durcissement des normes suite à l’accident de Fukushima en 2011.
Les problématiques qui ont affecté le chantier de Flamanville ne sont pas isolées. L’EPR d’Olkiluoto en Finlande a été connecté au réseau électrique avec un retard comparable à celui de Flamanville. Les premiers EPR en Chine ont également rencontré un certain nombre de déboires. Avec un démarrage en ce mois de septembre, l’EPR de Flamanville accuse donc près de 12 ans de retard sur le calendrier initialement prévu. Le surcoût est conséquent. EDF chiffre le coût total à 13,2 milliards d’euros depuis le début du chantier. La Cour des comptes table sur une estimation d’un coût final de 19,1 milliards d’euros, soit six fois le montant initialement prévu.
Vers l’EPR2
Plusieurs étapes attendent encore l’EPR de Flamanville avant qu’il puisse à terme alimenter l’équivalent de 3 millions de foyers en électricité. Actuellement à 0,2% de sa puissance, le réacteur va progressivement monter en régime. Il devrait atteindre 25% d’ici « à la fin de l’automne ». Il faudra ensuite encore compter plusieurs mois avant qu’il ne fonctionne à plein régime. Dès 2026, l’EPR de Flamanville connaîtra un premier arrêt pour maintenance. L’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) a en effet réclamé le changement du couvercle de la cuve en raison de malfaçons. Cet arrêt devrait durer environ 1 an.
À terme, le retour d’expérience tiré de l’EPR de Flamanville va pouvoir servir dans le cadre du futur programme de six nouveaux réacteurs de type EPR2. L’EPR2 a été présenté par EDF comme une version « optimisée » du réacteur EPR, moins chère à l’unité et moins complexe à construire. Leur mise en service est attendue entre 2035 et 2050.