Transition énergétique
10 min.

De l’or noir à l’or rouge : le poids des matières premières

La transition sera métallique… ou ne sera pas. Ils s’appellent cobalt, cuivre, aluminium, lithium, nickel, manganèse ou encore terres rares et tous voient leur demande croître. D’une part, sous l’effet de la révolution numérique, qui a imposé ordinateurs, smartphones et autres objets connectés dans notre quotidien. D’autre part sous l’effet de la transition énergétique. Éoliennes, électrolyseurs, piles à combustible, panneaux solaires ou encore batteries de véhicules électriques vont en effet demander une bien plus grande quantité de métaux.

De l’or noir à l’or rouge : le poids des matières premières

Cet article est extrait du Mag « La France Électrique ».
Il est disponible au téléchargement en page d’accueil du site.

La transition sera métallique… ou ne sera pas. Ils s’appellent cobalt, cuivre, aluminium, lithium, nickel, manganèse ou encore terres rares et tous voient leur demande croître. D’une part, sous l’effet de la révolution numérique, qui a imposé ordinateurs, smartphones et autres objets connectés dans notre quotidien. D’autre part sous l’effet de la transition énergétique. Éoliennes, électrolyseurs, piles à combustible, panneaux solaires ou encore batteries de véhicules électriques vont en effet demander une bien plus grande quantité de métaux.

Une étude a ainsi conclu que, pour répondre à la seule demande concernant les batteries des véhicules électriques, 400 nouvelles mines devront entrer en production d’ici 2035*. Quant à la voiture électrique, elle contient elle-même en moyenne environ quatre fois plus de cuivre qu’une voiture thermique. En 2015, l’Alliance nationale de coordination de la recherche pour l’énergie (ANCRE) estimait dans un rapport que nous devrions extraire en trente ans autant de métaux que depuis le début de l’histoire de l’humanité**. Au point que beaucoup voient dans ces métaux critiques le nouvel « or noir » du XXIe siècle. « Le lithium et les terres rares seront bientôt plus importants que le pétrole et le gaz », prévenait d’ailleurs Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne, lors de son discours sur l’état de l’UE en 2022.

Le cuivre, élément le plus stratégique de la transition bas-carbone

Les ordres de grandeur sont effectivement impressionnants. « Nous consommons d’ores et déjà près de 10 milliards de tonnes de métaux divers chaque année, soit plus de 2 500 tours Eiffel par jour (…) Or les prospectives de l’Agence internationale de l’énergie (AIE) indiquent qu’à l’horizon 2040, la demande de terres rares pourrait être multipliée par 7, celle de nickel par 19, celle de cobalt par 21 (…) et celle de lithium par 42 par rapport aux besoins de l’année 2020 », relevait le journaliste spécialisé Guillaume Pitron dans son ouvrage La Guerre des métaux rares : la face cachée de la transition énergétique et numérique.

Parmi les différents métaux, tous n’ont pas la même criticité. « Pendant longtemps, il y a eu une focalisation sur les métaux électriques comme le cobalt, le lithium et les terres rares. Mais nous savons depuis quelques années que l’élément le plus stratégique pour la transition bas-carbone sera le cuivre », explique Emmanuel Hache, adjoint scientifique et responsable matériaux critiques à l’IFP Énergies nouvelles et directeur de recherche à l’IRIS. Il estime également que la dimension de criticité doit être évaluée à l’aune de chaque métal : « Si vous prenez le marché du cuivre, il n’y a pas de criticité géopolitique. Le problème, ce sont les besoins, la demande. La criticité du cuivre est bien plus économique que stratégique. »

Nous consommons d’ores et déjà près de 10 milliards de tonne de métaux divers chaque année, soit plus de 2 500 tours Eiffel par jour.

Guillaume PITRON

Auteur de La Guerre des métaux rares : la face cachée de la transition énergétique et numérique.

Le gisement des mines urbaines

Acteur majeur de la chaîne du cuivre, le câblier Nexans suit de près les enjeux de criticité relatifs à ce nouvel or rouge pour lequel la demande devrait exploser de 40 % d’ici à 2040, selon l’Agence internationale de l’énergie. « Nous achetons les cathodes de cuivre directement auprès des mines. Le fait d’être en liaison directe avec les sociétés minières nous a permis de comprendre rapidement qu’il y allait avoir un risque. Et ce ne sont pas les réserves de cuivre le problème – elles sont largement suffisantes aujourd’hui – mais les capacités d’extraction, étant donné que les mines ouvertes aujourd’hui sont pour la plupart en fin de vie », explique Vincent Dessale, Chief Operating Officer et Senior Executive Vice President chez Nexans. Un constat partagé par Emmanuel Hache, qui alerte sur « une tragédie des horizons » : « Le temps minier n’est pas celui de l’investissement dans les technologies bas-carbone. Est-ce qu’on va arriver à produire autant de métaux que ce qu’il en faut d’ici à 2035 ? C’est une vraie problématique. »

Face à l’accélération de la consommation de cuivre, le recyclage apparaît comme une réponse certes partielle mais incontournable. Dans sa production globale, Nexans affiche aujourd’hui un taux de cuivre recyclé de 5 %. À l’horizon 2030, le câblier français ambitionne de le porter à 30 %. Pour y parvenir, Nexans entend notamment capitaliser sur le gisement représenté par les «mines urbaines», notion qu’il a lui-même forgée pour désigner les nombreux déchets de cuivre qui dorment dans nos villes. Une tâche à laquelle Rexel est associée. « Nous travaillons ensemble pour récupérer les déchets de câbles, par exemple en mettant des outils de collecte à disposition des électriciens au sein des agences Rexel », relate Vincent Dessale.

Une montée en puissance attendue sur le recyclage

« Le recyclage sera pleinement efficace lorsque nous aurons des gisements assez importants pour valoriser les déchets. En ce qui concerne le cuivre, les gisements sont là. Ce que l’on appelle des “mines urbaines” sont autant de déchets à portée de main et qui, actuellement, se recyclent très peu. Il y a un gros effort de structuration à faire », observe Emmanuel Hache. Nexans entend justement se positionner parmi les chefs de file de cette structuration vers la circularité. « Nous nous sommes engagés dès 2008 à travers Recycâbles, une joint-venture créée avec Suez. Et nous disons de façon très ouverte à nos clients que leurs déchets d’aujourd’hui permettront de faire la croissance de demain. L’idée, c’est de systématiser la récupération des anciens systèmes de câblage et ne plus simplement les laisser comme on le faisait avant », explique Vincent Dessale, citant notamment « les anciens réseaux télécoms de cuivre » ou « les anciens systèmes de câblage sur les lignes de métro ».

Dans le même temps, Nexans, propriétaire de l’unique fonderie de cuivre en France, se prépare à augmenter significativement les capacités de cette usine située à Lens. Le câblier vient d’investir plus de 90 millions pour porter sa capacité de recyclage des déchets de cuivre à plus de 80 000 tonnes par an. Vincent Dessale précise par ailleurs que Nexans mène un « gros travail de recherche et développement qui permettra, à partir de cuivre de moins bonne qualité que celui qui est extrait des mines, de récupérer un cuivre en sortie de processus qui aura la même qualité mécanique et électrique ».

Dans leur ouvrage Métaux, le nouvel or noir, demain la pénurie ?, Emmanuel Hache et Benjamin Louvet notent que, selon la communauté scientifique, les réserves devraient être suffisantes pour mener à bien la transition « même si la limite de ce que la planète peut produire sera atteinte pour certains métaux », notamment le cuivre. Selon un rapport Reuters daté de 2023, la production de cuivre pourrait atteindre son maximum en 2030. Dans La Guerre des métaux rares, l’ouvrage de Guillaume Pitron, le chercheur au CNRS et spécialiste des ressources minérales Olivier Vidal conclut : « Il ne faut pas se tromper de cible. Cette transition aura un coût jusqu’en 2050, mais, après, nous serons gagnants pour les cinq prochains siècles. »

Cette transition aura un coût jusqu’en 2050, mais, après, nous serons gagnants pour les cinq prochains siècles.

Olivier VIDAL

Directeur de recherche au CNRS

3 questions à Christopher Guérin, directeur général de Nexans

S’il est bien une entreprise au cœur de la transition énergétique qui se situe au carrefour des enjeux mêlant électrification et utilisation de métaux rares comme le cuivre, c’est elle. Anciennement Alcatel câbles, le fabricant de câbles Nexans, numéro 2 mondial de son secteur, a totalement revu son modèle pour y répondre. Christopher Guérin, son Directeur général, nous en dit plus.

Que représente l’électrification pour un câblier de votre envergure ?

C’est un véritable défi pour Nexans, mais aussi une formidable opportunité de nous réinventer. Le monde a évolué et continue d’évoluer de façon significative : les crises se succèdent, des ressources indispensables au fonctionnement de nos économies se raréfient… Nous naviguons dans un environnement en constante évolution, qui exige une remise en question, mais surtout une restructuration de nos modèles.

Sur quelle base se fait cette restructuration ?

La sobriété dans l’utilisation des ressources telles que le cuivre est essentielle. Plutôt que de toujours chercher à produire plus, nous devons apprendre à faire mieux avec moins, en optimisant l’utilisation de ces matières premières critiques à travers le recyclage et l’innovation. C’est une transition vers plus de durabilité et de résilience que nous devons opérer. Ainsi, alors que le monde s’engage dans une transition énergétique sans précédent, je suis convaincu que les modèles d’entreprise doivent s’adapter pour répondre à la demande croissante en électricité. C’est dans cette optique que, chez Nexans, nous avons développé le modèle « E3 » — Environnement, Économie et Engagement.

Qu’est-ce que cela signifie concrètement ?

Ce modèle sans précédent nous permet de concilier performance économique, impact environnemental réduit et engagement social fort. Des métriques qui ont souvent été perçues comme inconciliables mais que Nexans a pris comme points d’appui, avec le même degré d’importance, dans l’optique de développer de nouveaux indicateurs de performance et de les considérer de manière systémique. Le modèle ne s’arrête d’ailleurs pas seulement aux entités du Groupe mais s’étend aussi à notre écosystème afin de créer des cycles de production plus vertueux.

* Pitron Guillaume, La guerre des métaux rares : la face cachée de la transition énergétique et numérique, Les Liens Qui Libèrent, rééd. 2023

** Hache Emmanuel, Louvet Benjamin, Métaux le nouvel or noir, demain la pénurie ?, Editions du Rocher, 2023

*** Crédit photo : Alex Tepetidis

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Mag : La France électrique

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